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Un, deux, trois, soleil ? Enjeux et espoirs du photovoltaïque

par Jean-Paul kleider, Marie Gueunier-Farret et Anne Migan-Dubois du LGEP-Supelec

Pour la dernière édition des jeudis de la recherche de la saison, nous avons été accueillis au laboratoire de génie électrique de Paris – Supelec. Jean-Paul Kleider et son équipe nous ont présenté leur thématique de recherche : l’énergie photovoltaïque, une énergie renouvelable produite à partir du rayonnement solaire.

L’énergie en quelques chiffres

Pour comprendre la production d’énergie photovoltaïque, il faut tout d’abord se familiariser avec quelques unités utilisées par les physiciens et quelques ordres de grandeurs. L’unité de mesure d’énergie utilisée internationalement est le joule (notée J), et l’unité de mesure de la puissance est le watt (notée W). 1J= 1Wx 1 seconde. On définit aussi le watt-heure (noté Wh), que l’on retrouve sur nos factures d’électricité, correspondant à l’énergie fournie par un système de puissance 1W pendant 1h. Pour les très grandes valeurs de puissance on parle de TWh, ce qui correspond à 1012 Wh (1 TWh= mille milliards de Wh). Dans le monde, on consomme aujourd’hui environ 20 000 TWh par an d’électricité, environ 15% de la consommation d’énergie totale toutes sources d’énergies confondues (charbon, pétrole, nucléaire, etc.) En France, on a consommé environ 495 TWh d’électricité en 2013, et nous en avons produit 550 TWh. La production d’électricité en France est dominée par le nucléaire (plus de 70% en 2013) suivie par différentes sources d’énergie renouvelable, telle que l’hydraulique et l’éolien, comptant pour environ 16%. La production thermique à combustible fossile (charbon, fioul, gaz) compte pour environ 8% de la production annuelle d’électricité française. Le photovoltaïque ne participait qu’à moins de 1% de la production totale d’électricité en 2013, mais le nombre d’installations photovoltaïques est en perpétuelle augmentation.

Production d'électricité en France en 2013 {JPEG} La production d’électricité en France en 2013 (Source : RTE, 2014)

Le soleil fournit-il assez d’énergie pour répondre à nos besoins ?

Contrairement aux énergies fossiles, le rayonnement solaire est inépuisable et on peut l’obtenir gratuitement. Le photovoltaïque est basé sur la conversion du rayonnement solaire en énergie électrique. Le courant obtenu est donc proportionnel à la puissance lumineuse reçue. Le rayonnement solaire instantané (aussi appelé « irradiance ») est la puissance lumineuse reçue par unité de surface. Il s’exprime en W/m2. Sous nos latitudes, où le soleil ne nous éclaire pas directement à la verticale, on considère que le rayonnement global est de 1000W/m2 (ou 1 kW/m2). Au centre de la France, on reçoit en moyenne 1300 kWh/m2 d’énergie solaire par an. Rapportée à la surface du pays, l’énergie solaire reçue sur tout le territoire en 1 an est de 7,15x105 TWh. L’énergie solaire reçue en France métropolitaine en un an correspond donc à 5 fois la consommation mondiale d’énergie, 35 fois la consommation mondiale d’électricité et 1400 fois la consommation française d’électricité. Ces chiffres sont bien sûr théoriques car toute l’énergie reçue du soleil ne peut pas être convertie en électricité. En réalité, les panneaux photovoltaïques les plus courants sur le marché ont des rendements de conversion (rapport entre l’énergie électrique produite et l’énergie lumineuse reçue) de 14 à 18%. En tenant compte de ces rendements, 2500 km2 de couverture en panneaux photovoltaïques couvriraient la consommation française d’électricité. Sachant que la surface au sol des infrastructures (routes, immeubles) existantes en France représente environ 30000 km2, la couverture de la consommation nationale d’électricité par l’énergie solaire est réalisable. Cependant aujourd’hui, en France, la production d’électricité photovoltaïque couvre seulement 1% de la consommation nationale alors que cette production peut atteindre 10% dans certaines régions, comme la Bavière (Allemagne).

Installations de panneaux photovoltaïques {JPEG} Installations de panneaux photovoltaïques

Le photovoltaïque : comment ça marche ?

L’effet photovoltaïque, conversion directe d’énergie lumineuse en énergie électrique, a été découvert par le français Edmond Becquerel en 1839. Lorsqu’un photon, particule élémentaire de lumière, arrive sur un matériau semi-conducteur, il peut transmettre son énergie pour créer deux charges mobiles de signe opposé (électron et trou). Ces charges, récupérées sur les deux électrodes de la cellule, créent un courant et une tension électrique continues. L’énergie électrique continue est alors transformée en énergie alternative compatible avec le réseau électrique public par un onduleur. Un panneau photovoltaïque, également appelé « module », est un assemblage de plusieurs cellules constituées de matériaux semi-conducteurs qui reçoivent l’énergie lumineuse et la convertissent par effet photovoltaïque. Selon le type d’assemblage (cellules connectées en série ou en parallèle), on peut additionner soit la tension, soit le courant que fournit chaque cellule. De même, plusieurs panneaux peuvent être connectés entre eux.

Schéma de l'effet photovoltaïque {JPEG} Schéma de l’effet photovoltaïque

De quoi sont faits les panneaux photovoltaïques ?

On distingue 3 types de filières photovoltaïques :
-  les filières traditionnelles : cellules de silicium monocristallin ou polycristallin (matériau également utilisé en électronique dans les ordinateurs ou téléphones portables)
-  les filières à couches minces qui présentent l’avantage d’utiliser moins de matériau : silicium amorphe hydrogéné, CIS ou CIGS (Cuivre, Indium, Gallium, Sélénium ou Soufre), CdTe (Cadmium, Tellure), cellules à colorant ou couches minces organiques (plastiques)
-  les alliages III-V et multi-jonctions, utilisés pour des applications spatiales, qui présentent de très haut rendement mais un coût de production très élevé.

Silicium monocristallin {JPEG} Panneaux de silicium monocristallin Silicum polycristallin {JPEG} Panneaux de silicium polycristallin

Le silicium monocristallin est obtenu par refroidissement lent et contrôlé à partir d’un germe, permettant d’obtenir un monocristal homogène, contrairement au silicium polycristallin qui est obtenu par une autre technique, plus simple et plus rapide, mais qui entraîne la formation de cristaux de formes et tailles variées. Le silicium amorphe quant à lui est une variété non cristallisée du silicium, obtenue par dépôt à partir de précurseurs gazeux. Les panneaux à base de silicium polycristallin sont actuellement les plus utilisés car ils ont le meilleur rapport qualité/prix. Ceux à base de silicium monocristallin possèdent un meilleur rendement mais présentent un coût plus élevé. Les panneaux à silicium amorphe présentent l’avantage d’une meilleure production par faible irradiance et d’un coût de production plus faible que les autres techniques, mais présentent des rendements globaux inférieurs aux cellules poly- ou monocristallines.

JPEG JPEG Le silicium est actuellement le matériau le plus utilisé pour la fabrication des cellules photovoltaïques. A partir de silice, que l’on trouve dans le sable ou le quartz, on produit du silicium pur à 98 %. Pour avoir un matériau assez pur pour être utilisé en photovoltaïque, on soumet le silicium à des réactions chimiques et étape de distillation pour obtenir un silicium pur à 99,999 %. On produit ensuite des barres de silicium, appelées « lingots » qui seront tranchés en plaques très fines (150 à 300 µm pour la filière traditionnelle, 1µm en moyenne pour les couches minces) appelées « wafers ». Les wafers sont ensuite reliés les uns aux autres par des tiges métalliques et encapsulés pour être protégés des intempéries. Les wafers sont ainsi transformés en cellules photovoltaïques qui pourront être assemblées en panneau de la taille désirée.

Le photovoltaïque sous la loupe des chercheurs du LGEP

L’équipe « Semiconducteurs en couches minces » pilotée par Jean-Paul Kleider cherche à mettre au point des méthodes d’analyse fine de la qualité des matériaux semiconducteurs pour optimiser les dispositifs photovoltaïques. Pour ce faire, les chercheurs testent les différentes propriétés électroniques et propriétés de vieillissement de plusieurs matériaux et les comparent. Nous avons pu visiter trois dispositifs du laboratoire :
-  Simulateur solaire et photoréponse spectrale (Jean-Paul Kleider)
-  Simulateur à LEDs (Diodes Electro-Luminescentes), photocourant modulé (Marie Gueunier-Farret)
-  La plateforme extérieure de panneaux utilisée pour le monitoring (Anne Migan-Dubois)

1- Simulateur solaire traditionnel et photoréponse spectrale

Ce dispositif permet de mesurer d’une part la réponse d’une cellule exposée à la lumière blanche (simulateur solaire traditionnel), et d’autre part la réponse à la lumière décomposée en différentes longueurs d’onde grâce à un monochromateur. Ceci permet de mesurer le courant produit par une cellule pour chaque longueur d’onde du spectre solaire, c’est ce qu’on appelle la réponse spectrale d’une cellule. On peut observer comment réagit la cellule et identifier dans quelles gammes spectrales elle a le rendement le plus faible et est donc la moins performante. Des modélisations permettent alors d’avoir une idée sur l’origine de la limitation des performances (qualité du matériau en surface ou en profondeur, interface en face avant ou en face arrière, etc.)

Simulateur solaire {JPEG}

2- Simulateur à LEDs, photocourant modulé

Le dispositif en photocourant modulé permet de déterminer les propriétés électriques des matériaux (conductivité, transport d’électrons) pour évaluer la qualité des matériaux qui sont ensuite intégrés dans des panneaux. On place des électrodes sur l’échantillon à tester dans un cryostat, permettant de maintenir l’échantillon à basse température, sous vide. Puis, on éclaire le matériau avec une lumière continue monochromatique dans le bleu ou le rouge, et on mesure sa réponse. L’échantillon est ensuite soumis à un éclairement dont on fait varier la fréquence dans le temps, ce qui permet de mesurer sa réponse à une excitation alternative (courant alternatif et déphasage). Cette étude permet de remonter aux défauts électroniquement actifs du matériau. Le simulateur à LEDs (Diodes Electroluminescentes) a pour but de reproduire le spectre solaire à partir de LEDs, qui émettent à différentes longueurs d’onde, ou créer un éclairage monochromatique en utilisant une seule LED. On utilise un cône pour concentrer la lumière émise par les LEDs sur une petite surface et on mesure les propriétés électroniques de la cellule testée. Ce dispositif permet de caractériser la réponse spectrale d’une cellule photovoltaïque de manière plus précise qu’avec le simulateur solaire traditionnel, car on peut faire varier la tension de commande des LEDS pour produire un éclairement plus ou moins intense, et créer un éclairement alternatif dans le temps. Ces tests sont notamment utiles pour la caractérisation de cellules multi-jonctions qui sont des empilements de cellules de différents matériaux absorbant dans des gammes de longueurs d’onde différentes. Cela permet de couvrir une large gamme du spectre solaire, et donc d’optimiser le rendement du panneau photovoltaïque.

Expérience de photocourant modulé {JPEG}

3- Monitoring de panneaux

Plusieurs panneaux (9 au total dont 5 correspondant à des technologies différentes) sont installés sur le toit du laboratoire pour permettre une surveillance en temps réel, ou monitoring, durant 2 années consécutives. Ce dispositif permet d’observer leur réponse en conditions réelles, qui sont très différentes des conditions simplifiées de laboratoire car, en extérieur, de nombreux paramètres influent sur les mesures simultanément. Les panneaux photovoltaïques sont couplés à une mini-station météo pour permettre de corréler la quantité d’énergie électrique produite à la quantité d’énergie lumineuse reçue. Cette station météo comprend :
-  un pyranomètre (capteur d’éclairement)
-  une éolienne
-  un capteur de température ambiante
-  un capteur d’éclairement interne intégré dans une des cellules du panneau
-  un spectroradiomètre qui mesure le spectre solaire. La puissance photovoltaïque est mesurée toutes les 5 minutes pour chaque panneau afin de comparer les différentes technologies. On peut ainsi observer la production photovoltaïque en fonction des saisons, des moments de la journée et des conditions météorologiques. Des études de comparaisons de salissures entre des panneaux entretenus toutes les semaines et des panneaux non entretenus sont également menées. Les chercheurs ont aussi installé une plateforme conçue pour optimiser la production photovoltaïque au printemps et en automne (le rendement maximal est habituellement obtenu en été) avec des miroirs placés face aux panneaux qui diffusent les rayons lumineux. Les données obtenues permettent d’observer la production photovoltaïque à différentes échelles (journalières, hebdomadaires, mensuelles, saisonnières) afin de déterminer les conditions d’optimisation des systèmes. Les chercheurs savent ainsi par exemple comment la production photovoltaïque évolue au cours des heures de la journée ou en fonction des conditions d’ensoleillement parfois insuffisantes en hiver. Ces mesures en conditions réelles sont essentielles pour affiner les modèles prédictifs des chercheurs pour adapter la production par les autres sources d’énergie et intégrer l’énergie photovoltaïque dans le réseau EDF de manière optimale.

Monitoring de panneaux {JPEG}

La recherche en énergie photovoltaïque regroupe plusieurs domaines de recherche : la chimie (fabrication des matériaux), la physique (propriétés électroniques des matériaux), la technologie (fabrication des cellules), la gestion énergétique (optimisation des rendements de production). De nombreuses études sont encore nécessaires pour optimiser la production électrique par le photovoltaïque, notamment pour augmenter les rendements des panneaux et diminuer leur coût de fabrication, développer les filières de recyclage des panneaux obsolètes, ou encore optimiser l’approvisionnement des réseaux électriques en fonction des différentes sources de production. Il faut encourager l’équipement de nouveaux bâtiments avec des panneaux photovoltaïques au moment de leur construction, comme c’est le cas du nouveau bâtiment de l’Ecole Centrale qui sera prochainement installé sur le campus.

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